La création de l’agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) avance vite, mais pas la concertation avec les syndicats !
Pour mémoire, l’agence nationale des territoires (ANCT, cet intitulé n’étant pas définitif) a pour but de constituer un établissement public d’État, créé par la loi, consacré au « développement des territoires ».
Le but est d’afficher la présence d’un interlocuteur unique auprès des territoires en difficulté ou disposant de peu de moyens, et de pouvoir mettre à leur disposition une ingénierie territoriale adaptée. L’agence aura un rôle de coordination des interventions de l’État et des établissements publics.
L’agence regroupera une grande partie du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), la quasi-totalité de l’Agence du numérique.
Elle sera liée par des conventions nationales propres à chaque établissement de ce domaine d’activité (ADEME, CEREMA, ANAH, ANRU). Un comité national de coordination ferait le lien.
Le préfet de département sera le délégué territorial de l’agence et la DDT serait déléguée adjointe, sauf avis contraire du préfet.
La création d’une telle agence est donc une réforme lourde qui pose beaucoup de questions, par exemple l’articulation de ses missions avec celles des services de l’État et des autres établissements publics, ou bien les moyens qui lui seront affectés.
Où en sommes nous de la concertation alors que les échéances sont très proches ?
Eh bien justement pas très loin ! Le préfigurateur ne donne que très peu d’informations tangibles. Il fait état de ses propositions au gouvernement mais sans précisions sur leur contenu. Il donne souvent son point de vue sans rien dire des arbitrages imminents… L’omerta qui entoure ce projet depuis le début demeure.
Ce qui est sûr, c’est que la loi de création de l’agence sera promulguée courant juillet et le décret d’organisation (conseil d’administration, tutelles, instances de dialogue social…) début novembre. L’agence devra impérativement être en place au 1er janvier 2020.
La fusion elle-même n’est pas simple. Un des organismes fusionnés est établissement de droit privé. Le découpage du CGET va conduire à rattacher une partie de ses missions à la direction générale des collectivités locales (DGCL), aujourd’hui au ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (MCTRCT).
Il est essentiel de garantir les droits et les choix d’agents de statuts très différents (fonctionnaires, contractuels publics et agents de droit privé). Des réunions avec les organisations syndicales représentatives des différents organismes fusionnés sont en cours, pour définir les garanties pour les personnels : pré-positionnement, rémunérations, conditions de transfert, de licenciement…
Le préfigurateur aurait demandé des financements : 80 M€ et quarante postes hors plafond. Un arbitrage du ministère du budget est en cours. Peu de chance qu’il soit positif tant la diminution des moyens est une règle intangible par les temps qui courent. Alors quels moyens financiers et humains pour l’ANCT ? Sinon en piochant ici ou là dans les services et établissements existants !
La composition du conseil d’administration suscite des discussions. Qui et selon quel équilibre ? Le gouvernement souhaiterait que l’État reste majoritaire, et rejetterait la proposition du Sénat d’une minorité de blocage des élus. Les établissements liés par des conventions sont membres mais sans voix délibérative.
En attendant des précisions, les missions confiées à l’agence devraient être d’assurer le pilotage et l’évaluation de programmes de l’État, la contractualisation avec les grands territoires en difficulté, le soutien aux projets diffus hors programmes, la veille territoriale, la présence du service public par le maintien d’implantations.
Parallèlement, les directeurs généraux des établissements publics liés à l’agence (ADEME, CEREMA, ANAH, ANRU) sont en train de rédiger chacun leur convention qui sera signée par l’établissement, l’ANCT et L’Etat (MCTRCT ou Premier ministre).
Quelles conséquences sur leur fonctionnement, missions, financement et effectifs ? Quelle concertation avec les représentants des personnels ? Quelle information des conseils d’administration ? Pas de réponse du préfigurateur.
L’ANCT et le CEREMA proposeraient une offre d’assistance gratuite de base pour les territoires défavorisés et, au-delà, les prestations seraient payantes.
Toutes les missions de nos ministères peuvent être concernées.
Sous la coupe des préfets délégués territoriaux, les DDT devront se doter d’une équipe projet spécifique. Notre ministère, pourtant « d’Etat », serait donc mis sur la touche.
Le principe d’un conseil départemental des territoires, qui définira la politique locale, semble acté.
Les fonctions essentielles de « pilotage », « d’évaluation » et de « contractualisation » par une agence forment un tout cohérent. Elles vont de fait donner la priorité à « l’accompagnement » des territoires, au détriment du portage des politiques de l’État, et au service des acteurs locaux, au premier rang desquels les élus.
L’affaiblissement concomitant des services centraux et des services déconcentrés confirme cette orientation. Celle-ci serait le prolongement et l’approfondissement d’un dispositif déjà en place – notamment l’organisation administrative locale à la carte (État et collectivités) et le renforcement des compétences des collectivités – issu des dernières lois de décentralisation (en attendant la suivante).
On notera aussi que la création de l’office français de la biodiversité en même temps que l’agence des territoires, conduirait ces nouveaux acteurs, sous les ordres du préfet, à maîtriser sur le fond les processus administratifs d’aménagement à la place de services de l’État sans moyens et sans compétence autre que régalienne.
Les expérimentations en cours montreraient que l’échelon régional serait nécessaire dans le dispositif (coordination, mobilisation des représentations régionales des établissements publics), mais sans délégation territoriale.
Deux réunions de ce comité sans documents… Mais soyez tranquilles, le préfigurateur assure que rien ne changera…
Le décret d’organisation sera présenté au CTM de juillet, puis une seconde fois avant la fin de l’année pour avis, mais à ce jour sans étude d’impact. Cependant nous savons que des réflexions – très tardives sur un sujet aussi important pour les agents et les missions – sont en cours sur les conséquences de la création de l’agence sur l’organisation des services de l’État.
Le prochain comité de suivi se réunit mi-juillet. On nous a promis des documents !!
En résumé, la création de l’ANCT c’est le mépris des agents, l’absence de dialogue social, une agence non stabilisée à six mois de son démarrage, un manque de moyens… Et un préfigurateur qui nous explique n’avoir pas à tenir compte des réformes imminentes des services centraux et déconcentrés !
Les incertitudes sont grandes sur tous les plans, à part la certitude d’une agence en place début 2020. Une fois de plus nous aurons les réponses à nos questions, en particulier celles concernant les agents, une fois la structure en place !
L’agence se présente comme l’un des outils d’affaiblissement des services déconcentrés et des établissements publics. À la main du préfet, elle « accompagnera » les projets tout en raflant des missions et des moyens. On se dirigerait donc vers des services régaliens sans compétence et une agence force de frappe technique et administrative, seule en contact avec le terrain, au service du préfet et des élus.
Le Sne-FSU s’adresse à tous les personnels qui sur l’ensemble du territoire national, exercent des missions dans le domaine de l’environnement.
Le syndicat défend un double objectif d’assurer d’une part la défense des droits/intérêts aux agents des services concernés et d’autre part d’inclure les enjeux écologiques aux questions sociales comme projet de société.